Quand Claire est venue me voir, elle était épuisée, en larmes, en colère, désespérée. Une chose terrible lui est arrivée enfant, et, malgré les 50 années qui se sont écoulées depuis, la souffrance ne la quittait pas. Ses pensées, inexorablement, la menaient encore et toujours vers cet événement immonde. Elle vint vers moi pour que je l’aide à pardonner. Toutes les personnes qu’elle a vues avant moi lui ont dit que son salut ne pouvait venir que d’une chose, le pardon. Dès lors, elle a essayé toutes sortes de techniques pour y parvenir.
Je lui ai demandé depuis combien de temps elle essayait de pardonner à cet être. Depuis plus de 50 ans. Pourquoi pensez-vous que vous devez lui pardonner ? Parce ce qu’on me dit que tant que je ne pardonne pas, je continuerai de souffrir. En 50 ans, avez-vous pu trouver un sens à ce pardon ? Je veux pardonner, je veux lui reparler, lui dire que je lui pardonne, je veux être en paix.
Ses larmes ne cessaient de couler, je pouvais voir dans ses vibrations l’extrême résistance qu’elle mettait à ce pardon qu’elle cherchait tant.
Je l’ai regardé avec douceur et lui ai demandé pourquoi elle cherchait à pardonner l’impardonnable ? Elle m’a regardée et j’ai senti une lueur d’espoir dans ses yeux, la résistance n’était plus si violente.
« Pourquoi cherchez-vous à pardonner l’impardonnable ? » « Parce qu’on m’a dit que je devais… » « Voulez-vous réellement pardonner ? » « Je ne sais pas, je voudrais, j’en ai besoin… » « Pourtant vous voyez bien que vous ne pouvez pas pardonner. Que se passe-t-il en vous quand je vous dis que vous n’avez pas à pardonner l’impardonnable ? » Je vois apparaître une esquisse de sourire sur ses lèvres, elle déglutit, sa respiration se calme : « Je me sens soulagée, c’est comme si on m’enlevait un poids gigantesque. Si quelqu’un me dit que je n’ai pas à pardonner, je me sens normale, je me sens revivre. C’est normal. C’est presque une bonne nouvelle. »
Chaque émotion a sa propre fréquence, sa propre vibration, sa propre perspective. Depuis la perspective de la souffrance, celui qui lui a fait du mal alors qu’elle n’était qu’une enfant ne mérite pas le pardon. Claire pourra faire toutes les thérapies qui existent dans cette dimension, tant qu’elle vibre à la fréquence de sa souffrance, elle ne guérira jamais, elle ne pardonnera jamais. Les émotions qui nous font souffrir vibrent à des fréquences liées à la séparation. L’autre est perçu comme le monde extérieur, comme l’ennemi, comme la menace.
Vouloir guérir en restant dans l’énergie de la souffrance est voué à l’échec, quand bien même une thérapie fonctionne un moment, il se passera un événement dans notre vie qui ravivera la douleur et le pardon durement acquis sera à nouveau impossible. On se souviendra des actes commis et on se dira que la souffrance ressentie est encore une fois due à “l’autre”.
Tant que Claire vibre à la fréquence de la souffrance, elle doit accepter de ne pouvoir pardonner. La souffrance ne peut tout simplement pas pardonner. Et ce n’est pas son rôle.
Lorsque Claire entre dans l’acceptation de ce fait, elle n’est plus en résistance avec ce qu’elle ressent profondément (l’injustice, l’horreur, la douleur). Cette non résistance face à ce qu’elle ressent lui permet alors d’expérimenter le soulagement. Le soulagement la fait entrer dans une nouvelle vibration, un peu plus élevée, s’en suit alors une nouvelle vibration plus élevée que la précédente.
Quand abandonne l’idée de vouloir pardonner, lorsqu’elle s’abandonne à l’idée qu’elle ne peut pas pardonner et surtout qu’elle n’a pas à le faire, elle peut passer à autre chose en elle. Elle reprend son pouvoir personnel. Alors, elle se rendra compte que le pardon n’était pas ce qui peut lui rendre sa vie. La seule chose qui peut lui rendre sa vie, c’était de cesser d’entrer en résistance avec ses émotions.
Avec quelle violence nous nous traitons lorsque nous refusons nos émotions, quelles qu’elles soient !
Le pardon est une très belle notion, mais il est dangereux de vouloir l’appréhender à partir de l’énergie de la souffrance. Il est voué à l’échec. Depuis la perspective de la souffrance, le pardon est impossible, c’est une hérésie. Le pardon ne peut provenir que d’une fréquence plus élevée.
Et le fait est, qu’à une certaine fréquence, nous nous rendons même compte que nous n’avons rien à pardonner, à personne, car personne ne nous a jamais rien fait. Mais vouloir accéder à cette conscience depuis la douleur et la mémoire de l’acte commis est une véritable maltraitance envers soi-même.
Avant de vouloir pardonner, entrez en vous et demandez-vous si l’acte qui vous fait souffrir est pardonnable. Si tout en vous hurle qu’il ne l’est pas, alors ne forcez pas vos émotions. Acceptez de ne pouvoir pardonner, acceptez que vous vibrer encore, et pour l’instant, à la fréquence de la souffrance. Respirez et autorisez-vous ce soulagement. Sentez votre corps se détendre. Cela ne veut en aucun cas dire que vous resterez toujours dans cet état, que vous en voudrez toujours à l’autre, que vous souffrirez pour l’éternité ou que vous ne pardonnerez jamais.
Cela veut simplement dire que vous vous acceptez dans le présent. Cela veut dire que vous allez monter l’échelle émotionnelle sans heurt, sans violence envers vous, sans perpétuer la maltraitance que vous avez déjà subi, et lorsque vous sentirez qu’il est temps pour vous, vous pardonnerez ou n’aurez plus besoin de le faire.
50 ans de thérapie est une bien longue période, surtout quand on a aucun résultat ou si peu, quand on n’a pas pu construire une vie, quand on a pleuré quasiment tous les jours de sa vie.
Le lendemain de cette entrevue, Claire m’a dit qu’elle n’avait pas le souvenir de s’être sentie aussi légère. Elle riait, elle m’a dit avoir chanté. Plusieurs mois plus tard, elle a reparlé avec celui qui, selon ses mots la première fois que je l’ai vue, avait brisé sa vie. Elle ne lui a pas pardonné, parce qu’elle ne sentait pas qu’elle avait à pardonner. L’émotion de la souffrance ne résonnait plus en elle, non plus que ce besoin désespéré de pardon.
Cela à l’air simple. ça l’est en effet.
Lorsque vous considérez qu’une personne vous a fait du mal et que vous éprouvez du rejet, de l’abandon, de la trahison ou toute autre forme de blessure, vous voulez absolument guérir. C’est normal, nous vivons dans une société qui est terrifiée par la souffrance. On nous apprend que la clé de la fin de la souffrance est le pardon. Mais, dans l’échelle vibratoire, le pardon vibre à une fréquence bien plus élevée et beaucoup plus éloignée que la douleur que vous ressentez. Ce désir de pardon, à partir d’une vibration qui se situe très en-deçà, exerce une tension, un stress sur le corps tout entier. C’est à partir de la guérison que le pardon peut s’expérimenter, ce n’est pas le pardon qui apporte la guérison véritable ; C’est à partir de la fréquence d’une émotion de bien-être (le rire, la joie, le soulagement, le calme, l’espoir) que le pardon devient presque automatique. Lorsqu’on essaie de forcer le pardon, ce que l’on fait en réalité, c’est nier l’émotion ressentie.
La douleur provient plus souvent de la résistance à nos émotions que des actes eux-mêmes. Dans le cas de Claire, les actes ont eu lieu il y a plus de 50 ans. Ce ne peut être eux qui sont la cause de sa douleur dans son présent. Lorsqu’elle est encore en profonde souffrance et qu’elle dit “je te pardonne”, le message qu’elle s’envoie à elle-même est en réalité : “je ne compte pas, mes émotions ne comptent pas, mon salut ne peut venir que de toi, j’ai mal par toi et je guéris par toi, guéris-moi…”
Lorsqu’elle accepte qu’elle ne peut pas pardonner, le message qu’elle s’envoie est “je reviens à moi, je suis responsable de mon bien-être, je ne l’attends pas de l’autre, je reprends ma vie ».
Le pardon arrivera quand il sera temps pour lui d’apparaître dans sa vie. Sinon, il serait factice, et surtout temporaire.
Un jour, une de mes amies, qui travaille sur les techniques de pardon me parle d’une personne qui lui a fait du mal et à qui elle a pardonné.
Voici ses propos :
« je lui pardonne, la pauvre, elle n’est pas consciente, elle est engoncée dans ses problèmes. Son compagnon fait ça, son fils fait ci. Elle n’a fait aucun travail sur elle… »
Je lui ai répondu: « Crois-tu être en train de pardonner quand tu dis cela ? Je ressens que tu es plutôt en train de rendre son acte justifiable à tes yeux afin qu’il puisse entrer dans ton champs d’acceptation. Le réel pardon, c’est « oui, elle a fait cet acte, ça m’a fait mal mais cette douleur m’appartient, c’est à moi d’en prendre soin sans rien attendre de l’autre. L’autre a fait ce qu’il avait à faire. Je suis entrée en résonance avec cet acte, je retourne à moi, apprends de ce que je viens de vivre et décide de ce que je veux désormais. ». Le véritable pardon, c’est sortir l’autre de notre équation du bonheur, du mieux-être. Par-donner, c’est ne plus rien attendre de celui par lequel la douleur est arrivé. Le par-don est une libération du corps et de l’esprit de l’énergie de l’autre.
Soyez patient avec vous. Si vous ne parvenez pas à par-donner, passez à autre chose, concentrez-vous sur votre propre bien-être. Focaliser toute votre énergie et toute votre attention sur le problème n’occasionnera que davantage de ce problème. Focaliser votre attention sur vous et uniquement sur vous, vous permettra de reprendre votre vie en main.