Lors d’un atelier que je donnais, nous parlions de la colère, une personne nous dit alors : « je n’ai jamais été en colère, c’est un sentiment que je n’éprouve jamais ».
Je lui ai alors demandé : « tous tes partenaires ont été des hommes colériques ? »
Elle me regarda interloquée en me répondant par l’affirmative.
Racine des projections
Le processus de projection prend naissance dans l’enfance, auprès de nos parents lorsque ceux-ci nous apprennent que certains traits de caractère, certaines émotions sont convenables et d’autres non.
L’enfant naît complet, tout existe potentiellement en lui. Pour rester cet être complet et manifester pleinement notre essence, l’enfance devrait être le lieu où nous pouvons exprimer puis intégrer toutes les émotions. Les intégrer signifie qu’adultes, nous pourrons nous servir de ce panel d’émotions expérimentées pour nous orienter dans la vie dans notre meilleur intérêt car nous saurons ressentir ce qui est bon pour nous et ce qui ne l’est pas. En ressentant pleinement ce dont je ne veux pas, je peux aller vers ce que je veux ressentir, être, avoir. Mais dans une société non encore éveillée, en qui le concept de bien et de mal est si ancré, cela n’est pas encore possible. Nos parents nous apprennent très tôt quelle émotion est valable d’après l’éducation qu’ils ont reçue et nous empêchent de vivre ce à quoi servent nos années d’enfance, années où nous devrions faire connaissance avec qui nous sommes et non avec qui sont nos parents.
Ainsi, très vite, la complétude de l’enfant va laisser place aux directives que ses parents lui donnent. Lorsqu’on lui dira, par exemple, que c’est mal d’être en colère, il s’évertuera à rejeter cette émotion chaque fois qu’il la sent arriver pour la remplacer par une émotion acceptable.
Émotion après émotion, c’est toute une partie de lui-même que l’enfant finira par rejeter et sera ainsi privé de son système de guidance. Il ne se fera plus confiance et cherchera les réponses dans les livres, les “sachants”, les maîtres…
Ces émotions ne disparaissent pas pour autant, elles deviennent ce que nous appelons le subconscient et de complet, nous passons une personnalité fragmentée. Nous sentons que quelque chose nous manque mais n’avons aucune conscience de ce que c’est. Un vide s’installe en nous. Nous ne sommes qu’une image créée à partir de ce qui est acceptable pour nos parents et la société, et que nous présentons au monde tout au long de notre vie.
Rôle des projections
Mais notre âme, qui n’a de cesse que de vouloir nous rendre ce sentiment de complétude, nous guidera vers ceux qui amènerons à notre conscience ces aspects que nous rejetons.
Ainsi une personne qui se dénie la colère attirera à elle un partenaire colérique. Une personne qui se dénie le sentiment de paresse parce qu’elle a appris de ses parents qu’il fallait être travailleuse, courageuse, aura une meilleure amie qui se laisse vivre.
Ces traits de personnalité la rendront folle et puisqu’elle les rejette en elle, elle les rejettera aussi chez l’autre. Lorsque nous éprouvons une aversion particulière pour une personne ou une caractéristique, nous nous faisons en réalité ce que nos parents nous on fait car c’est nous que nous rejetons pas l’autre.
Ainsi, véritablement, « projeter » signifie voir en l’autre ce que l’on se dénie à soi-même. Le même processus se produit pour les aspects positifs de soi que l’on nous a appris à considérer comme non valides. Si nos parents nous ont appris que l’ambition était un trait de personnalité négatif, nous nous présenterons comme une personne modeste et pleine d’humilité mais serons très attirées par ceux qui sont bourrés d’ambition. Auprès d’eux, nous nous sentirons complets à nouveau.
Comment se servir des projections pour apprendre à se connaître :
1 – Lorsque vous éprouvez de l’aversion envers une personne, déterminez l’aspect qui vous rebute en elle. En réalité ce n’est pas elle que vous n’appréciez pas mais une caractéristique particulière (sa suffisance, son assurance, son manque d’assurance, sa lâcheté, sa détermination, sa superficialité…).
2 – Reconnaître l’aspect positif qui se dégage du trait de caractère que nous détestons.
Si nous détestons les gens paresseux, cela ne veut pas dire que nous voulons être paresseux mais que nous considérerons, par exemple, que ce sont des personnes qui se laissent vivre et qu’elles ont une certaine dose de confiance en la vie. C’est précisément cette confiance que nous nous dénions et nous travaillons avec acharnement maudissant tous ceux qui ne sont pas comme nous. Si nous ne supportons pas les personnes colériques, ce n’est pas tant que nous avons inconsciemment le désir d’être des personnes qui se mettent facilement en colère. Ce que nous pouvons ressentir par exemple, c’est que ce sont des personnes qui n’ont pas peur de dire ce qu’elle pensent et c’est leur liberté de parole que nous leur envions non leur colère.
3 – Comprendre pourquoi nous pensons inconsciemment qu’il serait dangereux d’exprimer ce trait de personnalité. Les questions pourraient être : en quoi serait-il dangereux pour moi d’exprimer ce que je ressens ou de me reposer et de faire confiance à la vie ou d’avoir de l’ambition… Et de se demander ensuite s’il est plus dangereux d’exprimer ces traits de la façon la plus juste pour nous ou de continuer à les rejeter sous peine de perpétuer des situations qui nous font souffrir.
4 – Une fois que nous dégageons l’aspect positif et que nous détricotons la peur sous-jacente à ces traits que nous rejetons, nous pouvons imaginer comment apprendre à honorer ces parties de nous qui cherchent à s’exprimer par l’intermédiaire de miroirs quand nous les rejetons. Comment pouvons-nous apprendre à exprimer librement ce que nous ressentons ou nos besoins, comment rêver à une nouvelle vie et s’en donner les moyens…
5 – Projeter est une occasion de prise de conscience pour les deux parties !
Si une personne m’en veut parce qu’elle me trouve égoïste par exemple, je ne vais pas lui répondre : « Tu projettes ». Puisque cette personne a projeté l’égoïsme sur moi, cela signifie que je suis un miroir capable de refléter cet aspect d’elle. Aussi, je peux profiter de cette occasion pour, moi aussi, prendre conscience d’un trait qui était jusque là inconscient et m’interroger sur ce qui, en moi, est égoïste. Chaque fois q’une personne me fait une critique, je commence comme beaucoup par m’offusquer (et oui…) mais lorsque je rentre chez moi et que je trouve un moment de calme, je m’interroge sur ce que fait résonner en moi cette critique.
L’autre est mon enseignant ! Toujours ! Que nous le considérions comme « méchant » ou « bon ». Si j’aime une personne, c’est que je reconnais en elle des aspects de moi acceptables ou des traits que j’aimerais avoir sans savoir qu’ils sont déjà en moi ; si je déteste une personne, c’est que je reconnais en elle des aspects de moi que je rejette.